LE TEMPS EN MARCHE : l’une des constantes du Temps ressemble à l’incertitude de l’aveugle dans un monde de grisaille, qui tout en avançant, peut trébucher. Une petite lumière pointe au loin, trompeuse, mais le vide est inexorablement devant ses pas. Courbé sous le poids du temps, ce personnage de l’iconographie médiévale se précipite vers l’abîme, confiant malgré tout dans le document qu’il porte en main ainsi que dans l’appui de sa perche.
Solidité du roc et de nos certitudes, le vide, la lumière : un Temps imprévisible et plein d’embûches. La composition s’attache à mettre en relation les pleins et les vides, soigneusement ajustés. Elle cherche à accuser leurs tensions, par un léger basculement du sol sur lequel marche le personnage ainsi que par l’ouverture neutre (grise) de l’espace circonscrit.

L’ŒUVRE AU NOIR traduit, sous forme graphique, l’ambiguïté et la fragilité d’une certaine recherche philosophique, à la limite du monde des vivants. L’environnement glacial et accidenté dans lequel est plongé le personnage souligne le danger de cette pratique. Le sujet, en habit de voyageur, est à demi agenouillé et enroulé autour de formes indéfinies, comme des rochers aux arêtes douces et recouvertes de lichens couleur de flammes, unique source de chaleur dans un univers désespérément blanc. Se brûle -t-il ou en mesure-t-il la perfection formelle ? Quoiqu’il en soit, nul ne peut dire s’il maîtrise totalement les réponses à ses interrogations.


« NEL MEZZO DEL CAMMIN DI NOSTRA VITA » est le premier vers de la Divine Comédie de Dante Alighieri, publiée au début du quatorzième siècle. La rencontre par Dante du poète latin Virgile lui permet une traversée des Enfers, thème qui m’a été suggéré par la préparation du fond sur le support papier, et au fil des découvertes graphiques. L’insertion du personnage, en costume du XVe siècle, s’est imposée par la suite, lorsque trois ombres animales ont pu être identifiées à travers le support. Pour faire vibrer l’ensemble grisonnant et irisé de blanc transparent, j’ai puisé chez Barthélémy d’Eyck l’étrange vert que j’ai inséré au centre de la composition, à l’échelle d’un très vaste univers. Et la barque de feu fait glisser le poète à travers les ombres.


EXORCISER LE SANG. Dans un environnement d’intense chaleur et éclaboussé de sang, un orgueilleux personnage d’une civilisation inconnue brandit une épée rougie de sang en un geste triomphal et se profile devant une porte ouverte, seuil et gouffre encore caché, mais avenir imminent de sa perte. Cette allusion symbolique à la violence tragique et récurrente dans l’histoire, totalement inintelligente à nos yeux, se veut image symbolique au regard des violences qui nous choquent aujourd’hui.


ENTRE NOUS. Deux personnages, vêtus d’habits anciens, sont assis en vis-à-vis en un dialogue sans concession : une Disputatio qui pourrait être philosophique, religieuse ou de toute autre discipline. Dans un univers où la fragilité du support en papier japon coloré est mise à rude épreuve, des usures, griffures, pliages, collages, transparences, traits de lumière, résidus de grisaille, accompagnent les personnages en les réduisant à une petite échelle. Au plus fort de ce vaste univers, un intense point de couleur rouge discordant sépare avec force les protagonistes


MUSE DANSANT. Une Muse danse sur une grande courbe rousse et blanche d’écume comme une vague. Dans cette composition, j’ai contraint l’espace qui se sépare en un dessous refermé et un dessus plus grand et plus ouvert. La nature de la courbe agit comme un ressort qui projette en avant la Muse, l’une de celles qui figure dans le Parnasse de Mantegna pour Isabelle d’Este. Un assez grand nombre de petits éléments dynamiques et plus sombres, soigneusement contrôlés, participent à l’équilibre de la composition. Le mode opératoire utilise les ressources de la nature du papier : transparence, fragilité, pliures, superpositions, suggestions récupérées ou transformées.


ENDYMION. Dans un univers de rouges parfois voilés jusqu’aux nuages, le berger Endymion, mortel dont s’est éprise Diane (Séléné), est plongé dans un sommeil éternel, d’où elle peut le contempler. J’aime inscrire un personnage de petite dimension dans un très vaste espace, le soumettre et l’ajuster jusqu’à l’expansion naturelle de la surface. Cette dernière oppose des rythmes et des couleurs actives, quelques déchirures autour du personnage, des éléments graphiques qui interfèrent entre eux et se complètent dans l’oubli du sujet. La diagonale gauche-droite de haut en bas crée avec celui-ci un angle aigu qui bascule le dormeur et qui en accentue la signification mythologique, celle des rêves chimériques qui occupent notre esprit.


NOCES ALDOBRANDINES. Thétis ou Julia, assise pour la préparation de ses noces, affiche une grande solitude dans un univers indistinct et parcouru d’ombres zoomorphes, fond marin ou brume forestière ? Striés de zébrures, les rehauts graphiques enserrent de leur filaments la présence presque transparente de la mariée qui vit une étrange cérémonie : quel augure lui rapporte l’oiseau de nuit?



Etude pour « LE CHEVALIER INEXISTANT »

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